Axe Transversal I
Axe Transversal I
La péninsule Arabique entre la fin de l’Antiquité tardive et le début de l’islam
Cet axe vise à confronter les travaux des archéologues avec ceux des épigraphistes, des historiens et des spécialistes de la pensée politique pour interroger la naissance en Arabie au début du VIIe siècle, non seulement d’une nouvelle religion, l’islam, mais aussi de nouvelles structures de pouvoir qui vont bouleverser sur le plan administratif, culturel et linguistique des pays qui s’entendent des confins de la Chine jusqu’en Espagne.
En consultant en plus des sources textuelles les données matérielles provenant des récentes découvertes archéologiques, cet axe entend réviser certaines thèses qui ont prévalu dans la recherche sur le début de l’islam, et dont la teneur idéologique ou la fragilité méthodologique peuvent être dépassées par la mise à contribution de plusieurs disciplines des sciences humaines et sociales. C’est le cas par exemple de la présentation de l’Arabie antéislamique par les certains penseurs arabes contemporains comme un espace d’ignorance sur le plan scientifique et de polythéisme sur le plan religieux, (Jâhiliyya) alors que plusieurs projets archéologiques récents ont mis en évidence la présence du monothéisme (permanence du christianisme dans le Golfe comme le montrent les fouilles récentes à Faïlka au Koweït) et montré que la période antique en Arabie était marquée par la présence de plusieurs royaumes structurées par le commerce caravanier et en contact permanent avec les grandes civilisations voisines. D’autres découvertes remontant au néolithique ou concernant des période ultérieures (découvertes d’inscriptions rupestres à Khaybar, mise au jour du Camel Site) confirment l’ancienneté et la permanence de l’occupation des territoires de l’Arabie pendant des millénaires, et révèlent à quel point les peuples qui s’y sont succédés ont joué un rôle important dans les échanges commerciaux, culturels et linguistiques. Les données matérielles de l’archéologie permettent donc de nuancer des interprétations approximatives ou fantaisistes basées uniquement sur quelques textes, et montrent la manière dont un discours peut être construit de toute pièce pour servir une lecture biaisée ou objectif idéologique.
Au-delà des démarches sceptiques (comme celles de Marghilouth et de Taha Hussein à propos de la poésie antéislamique ou de John Wansbrough et de élèves à propos de la datation du Coran) qui sont parties d’un postulat méthodologique consistant à mettre en doute la validité des sources arabes et islamiques pour comprendre l’histoire de l’islam et de l’Arabie, cet axe tente d’aborder ces sujets importants en mettant à contribution l’ensemble des savoirs disponibles et en créant un espace de débat entre des disciplines qui parfois se tournent le dos les unes aux autres. Le séminaire « Jâhiliyya » fondé et piloté par Eric Vallet illustre l’esprit de cet axe dédié à l’examen de la manière dont l’histoire de l’islam fut écrite par certains auteurs anciens ou contemporains, et à l’étude des différentes sources qui permettent d’avoir une idée aussi complète que possible sur la situation de l’Arabie avant l’avènement de l’islam et les conditions historiques qui ont entouré la naissance de cette nouvelle religion. D’autres projets archéologiques en cours pilotés par des chercheurs associés au CEFREPA (Khaybar) ou les publications récentes des historiens et des épigraphistes (Mounir Arbach, Christian Robin et Alessia Prioletta) vont dans le même sens et nourrissent la réflexion sur une possible réécriture de certains dossiers ou, inversement, la confirmation des lectures adoptées par les auteurs musulmans de l’époque médiévale.