Étude du matériel céramique à al-Muataredh/Oud al-Toba (E.A.U.) et du matériel en chlorite de Hamasa (Oman)

Sterenn Le Maguer
Archéologue – Chercheur associé au CEFAS
Mission du 7 octobre au 4 novembre 2015

Le site d’al-Muataredh/Oud al-Toba est un site fouillé sous l’égide de la Tourism and Cultural Authority of Abu Dhabi sous la direction du Dr. Walid al-Tikriti. Il s’agit d’une fouille de sauvetage avant la construction d’une nouvelle mosquée. Les recherches conduites entre 2000 et 2015, de façon discontinue, ont mis au jour du matériel remontant à l’Âge du Bronze, à l’Âge du Fer et à la période islamique. W. al-Tikriti souhaitait ainsi que le matériel islamique, dans un premier, soit étudié afin d’être publié.
Le corpus comprend au total 7 316 fragments de céramique. Du fait de la nature de la fouille et de l’utilisation de bulldozers, la stratigraphie était très perturbée. La campagne d’étude s’est donc concentrée sur les carrés P14 et J9. Ils ont été choisis car ils représentent respectivement 11,9 % et 6,6 % du matériel (ce sont les deux carrés ayant livré le plus de matériel). En outre, ils sont localisés à proximité de structures : P14 est associé à un falaj et à l’angle nord-ouest du bâtiment 3, et J9 est associé au falaj lié au bâtiment 1. Enfin, le matériel issu des fouilles de la mosquée réalisées en 2000 a été étudié, ainsi que le matériel sorti cette année du bâtiment 4 (carrés F11, F12 et G11).
L’étude de ce matériel témoigne d’une occupation importante à la période abbasside. Cette occupation est prouvée par la présence de matériel céramique très caractéristique : décor à bleu de cobalt, lustre métallique et céramique à glaçure stannifère. Cet assemblage est typique de la production de Samarra en Iraq, capitale de l’Empire abbasside entre 833 et 892. D’autre part, quelques fragments de céramiques des types splash ware et sgraffiato à décor hachuré attestent d’une occupation moindre au début du XIe siècle. La présence de cet assemblage à al-Muataredh/Oud al-Toba permet donc d’établir une occupation entre le début du IXe siècle, date partir de laquelle ces productions sont introduites, et le XIe siècle à partir duquel le sgraffiato hachuré apparaît.
Il convient d’ajouter que du matériel céramique des périodes plus tardives a également été mis au jour dans des quantités significatives. Il s’agit notamment de productions originaires de Julfar dans le nord des Émirats arabes unis. La présence de cooking-pots du type CP 1.1 témoigne d’une occupation à partir des XIVe-XVe siècles. Cette réoccupation s’est poursuivie jusqu’à nos jours. Il semblerait néanmoins que le site soit inoccupé du XIe au XIVe siècle au moins.

Dans un second temps, je me suis rendue sur le site de Hamasa dans l’oasis de Buraymi (Sultanat d’Oman). Les fouilles sont conduites par Timothy Power (Shaykh Zayed University). Le site apparaît contemporain d’al-Muataredh/Oud al-Toba et il s’agit vraisemblablement du même centre urbain. Le matériel en chlorite que j’ai étudié est caractéristique de la période abbasside. Il s’agit de pots de cuisson et de brûle-parfums dont les formes se retrouvent sur des sites abbassides comme Siraf et Suse en Iran, Amman en Jordanie ou encore al-Rabadhah (Arabie saoudite), station sur la route du hajj reliant Koufa à La Mecque connue sous le nom de Darb Zubayda. Si l’occupation aux IXe-XIe siècles est bien attestée, il apparaît qu’elle se poursuit jusqu’au XIIe siècle, comme le suggère la présence en quantité significative de sgraffiato et de splash ware. Ainsi, il semble que le site d’al-Muataredh/Oud al-Toba corresponde à l’extension maximale de l’établissement abbasside dans l’oasis d’al-‘Ayn avant que celui-ci ne se contracte au XIe-XIIe siècle autour du centre mis au jour à Hamasa.
Les sites n’étant pas ou peu publiés, il s’agit à ce stade d’hypothèses. L’étude du matériel en céramique et en chlorite permet néanmoins d’établir avec certitude une importante occupation aux IXe-Xe siècles. Cette occupation, qui avait peut-être une nature urbaine, était fortement liée au pouvoir abbasside. Le matériel atteste également des échanges entretenus avec la Mésopotamie, centre de production des céramiques glaçurées évoquées plus haut. Concernant la chlorite, des filons se trouvent en Oman, bien que l’extraction dans cette région pour la période abbasside ne soit pas encore reconnue. En revanche, des centres de productions de chlorite sont bien documentés au Yémen et en Arabie saoudite.

Bibliographie :
KENNET (D.) 2004, Sasanian and Islamic pottery from Ras al-Khaimah : classification, chronology and analysis of trade in the Western Indian Ocean, Oxford : Archaeopress, Society for Arabian Studies Monographs 1.
TIKRITI (W., al-), NEYADI (M., al-), TAWALBEH (D.), NUAIMI (A. R., al-), KAABI (A., al-) et OMA (W.), 2015, « Filling a blank : new excavations at an early Islamic site at Oud Al Toba/Muataredh in al-‘Ayn, UAE, PSAS 45, p. 371-384.