Hommage à Hadi Eckert, amoureux du Yémen et ami du CEFAS

par Roman Stadnicki, Université de Tours, chercheur associé au CEFAS

Décès de Hadi Eckert le 21/09/2018 à Sanaa
Hadi Eckert était arrivé au Yémen en 1990, mandaté par l’Unesco pour le classement de la vieille ville de Sanaa au Patrimoine mondial de l’humanité (le rapport qu’il a rédigé à cette occasion a longtemps constitué une référence majeure pour tous ceux qui s’intéressaient à l’urbanisation). Il n’a jamais quitté Sanaa depuis. Il y est mort près de 30 ans plus tard, à 85 ans, entouré de ses plus proches : des jeunes de Sanaa.
D’origine allemande, Hadi Eckert a passé la plus grande partie de sa vie dans les pays du Sud, dont plusieurs décennies en Tunisie, où il a œuvré, avec d’autres, à la création de l’Association de Sauvegarde de la Médina de Tunis. Docteur en sociologie de la famille, c’est en tant que consultant en protection du patrimoine qu’il fut le plus souvent sollicité. Hadi parlait une dizaine de langues couramment, qu’il continuait à entretenir au Yémen. Sur ce pays, son intérêt allait de l’histoire préislamique à l’aménagement du territoire contemporain, en passant par l’hydrographie. C’est dans ce dernier domaine que sa passion yéménite s’exprimait le plus, puisque, cartes topographiques à l’appui, il croyait savoir que les migrations sabéennes avaient très largement conquis l’Afrique du Nord, l’Espagne et même les Pyrénées françaises !
De nombreux chercheurs et amis du CEFAS qui se reconnaitront ici ont profité de l’érudition sans borne de Hadi, dans les années 1990 et 2000. Il était surtout animé par un désir fou de transmission – bien plus d’ailleurs que par la publication de ses propres recherches alors même qu’il écrivait énormément –, qui se manifestait de la même manière face à un scientifique émérite que face à un étudiant de maîtrise. C’était mon statut quand je l’ai croisé pour la première fois, dans un hôtel du wadi Sayila à Sanaa. Il m’a accompagné durant tout mon parcours de recherche, jusqu’à la fin de ma thèse. Sur le terrain d’abord, en parcourant à mes côtés les marges de l’agglomération sanaanie, sans cesse repoussées, au milieu des années 2000, par une croissance urbaine phénoménale. Dans un mafraj ensuite, pour confronter nos observations sur ces nouveaux quartiers en cours de structuration. Je luis dois donc beaucoup ; je me souviens m’être souvent dit que, sans lui, je n’aurais peut-être pas été au bout de l’aventure doctorale…
Mais ce n’est pas tant au « mentor » que je souhaite rendre hommage ici qu’à l’amoureux du Yémen qu’il était, certainement un peu passéiste – le royaume de Saba l’obsédait tant –, mais totalement dévoué. Sa petite retraite était intégralement reversée aux jeunes qu’il accueillait chez lui, rue Bawnia. Il vivait très simplement, préférant les médecines traditionnelles du souk aux hôpitaux. Il est mort tout aussi simplement, sans avoir abandonné Sanaa, malgré sa santé fragile, malgré la guerre.